« Mes missions sont de mobiliser, d’associer et de faire participer les acteurs de l’écosystème (académiques, industriels, start-ups) dans le cadre de la mise en place du hub. Je suis aussi en charge de l’organisation d’événements et du suivi scientifique des projets lauréats dévoilés en avril (AAP) », explique le chercheur Emmanuel Bacry, directeur scientifique du futur Health Data Hub (HDH) et également directeur de recherche au CNRS à l’université Paris-Dauphine
Sa nomination au sein du HDH, annoncée en avril, fait suite à la transformation de l’Institut national des données de santé (INDS) en « plateforme de données de santé » (le Health Data Hub) prévue dans le cadre du projet de loi santé, sur lequel députés et sénateurs sont parvenus le 20 juin à un accord en commission mixte paritaire (CMP).
Dans un entretien accordé à Health & Tech Intelligence, Emmanuel Bacry revient sur l’état d’avancement du hub et des 10 projets lauréats de l’AAP (sur 189), précisant qu’ils devraient « avoir une idée très claire des besoins de chaque projet à la fin du mois de juin pour lancer, si besoin, les procédures juridiques nécessaires ». Il partage aussi sa vision plus globale de l’initiative. « Nous souhaitons que le Health Data Hub soit non seulement bien sûr une plateforme de données mais aussi une plateforme de mise en relation de compétences et d’intérêts, que lorsqu’il est question de données de santé, que ce soit en France ou à l’étranger, on se tourne naturellement vers le hub », commente-t-il entre autres, ajoutant qu’en cas de succès, « la France pourrait être au centre du secteur des données et le Health Data Hub être l’une des plus belles bases de données de santé au monde ».
La création du Health Data Hub en France vise à contribuer à favoriser l’innovation médicale par le traitement de volumes massifs de données de santé. Le projet dans sa globalité est doté d’une enveloppe de 80 millions d’euros sur 4 ans.
Quelles sont précisément vos missions en tant que directeur scientifique du Health Data Hub (HDH) ?
Emmanuel Bacry : Je travaille pour le projet « Health Data Hub ». Mes missions sont de mobiliser, d’associer et de faire participer les acteurs de l’écosystème (académiques, industriels, start-ups) dans le cadre de la mise en place du hub. Je suis aussi en charge de l’organisation d’événements et du suivi scientifique des projets lauréats dévoilés en avril (AAP Health Data Hub).
Ainsi par exemple, certains porteurs de projets souhaitent être mis en lien avec des académiques, collaborer avec des seniors pour vérifier la bonne conduite scientifique de leur projet.
De façon plus générale, nous souhaitons que le Health Data Hub soit non seulement bien sûr une plateforme de données mais aussi une plateforme de mise en relation de compétences et d’intérêts, que lorsqu’il est question de données de santé, que ce soit en France ou à l’étranger, on se tourne naturellement vers le hub. Notre objectif est que le HDH fasse de la mise en réseau, réunisse tous les acteurs, privés et académiques, centralisent toutes les questions relatives au sujet des données de santé.
En avril, Jean-Marc Aubert, le pilote du projet Health Data Hub, a annoncé votre nomination en tant que directeur scientifique ainsi que d’autres recrutements à venir pour compléter l’équipe centrale du hub. Combien de personnes vont rejoindre le projet au total ?
Actuellement, le Health Data Hub c’est encore l’INDS, soit une dizaine de personnes employées. La mission de constitution du hub est piloté par la Drees qui se fait aider par un certain nombre de consultants. Nous allons recruter petit à petit pour le futur HDH, en fonction des besoins des projets, en interne mais aussi en externe par le biais de prestataires (data scientists et data engineers par exemple). Je ne peux pas vous donner de chiffres précis pour l’instant.
De mon côté, je cherche à mobiliser les différentes institutions de recherche françaises et par ce biais les chercheurs de ces institutions. Nombre d’entre eux devraient être intéressés pour nous aider à la constitution du hub et plus tard à être associés à son fonctionnement. Ils apporteront des expertises essentielles dont nous avons besoin et participeront aux différentes activités ou animations. Cela permettra par ailleurs de faciliter le recrutement, d’être plus attractifs.
Si nous parvenons à assurer aux talents du secteur qu’ils vont côtoyer de grands noms, alors nous allons recruter très facilement.
La création du hub est souhaitée par la ministre Agnès Buzyn avant le 31 octobre 2019. Pensez-vous pouvoir tenir ce calendrier ?
Oui, l’idée étant que nous soyons prêts quand la loi sera définitivement votée (L’Assemblée nationale se prononcera sur les conclusions de la CMP le 10 juillet 2019 et le Sénat le 23 juillet). Il est en tout cas évident que nous aurons commencé à bien travailler avec les différents porteurs de projets à cette date.
La collaboration avec les porteurs des 10 projets lauréats de l’appel à projets (AAP) Health Data Hub a débuté en avril. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons entamé la phase de cadrage. Nous sommes en train de les auditionner à nouveau pour bien identifier leurs besoins afin de mener à bien leur projet. C’est très complexe, il y a beaucoup de travail à accomplir avec chacun des porteurs, notamment du point de vue juridique.
Nous devrions avoir une idée très claire des besoins de chaque projet à la fin du mois de juin pour lancer, si besoin, les procédures juridiques nécessaires.
D’autres AAP ont été annoncés par Jean-Marc Aubert. Des dates précises ont-elles été fixées ?
Il n’y aura pas d’autres AAP avant la fin 2019. Aucune date n’a encore été fixée pour les prochains appels mais, dans tous les cas, il y aura des événements organisés au premier semestre 2020. Nous devons déjà nous concentrer sur les 10 projets retenus en avril pour construire des bases solides, savoir quels sont les points pour lesquels le projet fonctionne et quels sont ceux qui posent problème. C’est comme cela que nous apprenons.
L’idée, à terme, est de ne plus passer systématiquement par des appels mais de permettre à chaque acteur qui le souhaite de déposer une demande d’accès aux données du hub et aux producteurs de données d’y héberger leurs datas en respectant le principe de gouvernance unique du hub.
La création du Health Data Hub en France va contribuer à favoriser l’innovation médicale par le traitement de volumes massifs de données de santé, mais le pays, et plus généralement l’Europe, souffrent encore d’un « vrai déficit » en plateformes d’intégration de données issues de plusieurs sources, a observé Bernard Hamelin, directeur monde de Sanofi en charge de la production de preuves médicales (Tic Pharma). Partagez-vous cet avis ?
Nous sommes précurseurs mais il existe déjà quelques initiatives dans d’autres pays européens dans le domaine des données de santé. Nous regardons donc quels sont les modèles mis en place à l’étranger que nous pouvons imiter.
Cependant, nous sommes parmi les premiers à proposer une telle plateforme de données de santé. Cela devrait permettre un rayonnement mondial et attirer de nombreux chercheurs étrangers.
Est-il possible d’envisager une interopérabilité entre les différentes plateformes de données de santé européennes ?
Nous pouvons rêver à un Health Data Hub européen, à une interopérabilité entre les plateformes issues de différents pays. Nous sommes d’ailleurs en train de regarder du côté de nos partenaires européens pour trouver une synergie entre nos projets. C’est un sujet que je vais observer de près.
Dans quel état d’esprit êtes-vous quelques semaines après l’annonce de votre nomination ?
Je suis toujours enthousiaste ! Nous sommes en mesure de créer quelque chose de magnifique. Je ne vois pas de freins particuliers à l’accomplissement de ce projet mais j’admets que nous avons un vrai défi à relever, des ambitions élevées, l’une de nos missions centrales étant de mettre en place une gouvernance qui fasse sens. Il faut aussi que nous organisions des think tanks et des comités scientifiques pour répondre notamment aux multiples questions qui se posent dans l’utilisation des données de santé (notamment d’ordre éthique). Pour réussir, il faut que le Health Data Hub soit un projet en évolution et non figé.
Je suis partagé entre excitation et appréhension parce que tout est à faire, tout est à inventer. Il s’agit d’un projet unique, splendide, il faut juste que nous réussissions. Si nous parvenons à atteindre notre objectif, la France pourrait être au centre du secteur des données et le Health Data Hub être l’une des plus belles bases de données de santé au monde.
Rédigé par Health & Tech Intelligence – Care Insight