L’analyse du contenu publié sur les réseaux sociaux améliore considérablement l’exactitude des prévisions des variables démographiques pour un grand nombre de maladies. C’est du moins ce que montre une étude* menée sur plus de 20 millions de mots écrits sur Facebook par 999 patients, qui s’est révélée particulièrement efficace pour prédire le diabète et les problèmes de santé mentale, y compris l’anxiété, la dépression et les psychoses. Les résultats de ces travaux menés par des chercheurs de l‘université de Pennsylvanie ont été publiés le 17 juin 2019 dans la revue Plos One.
Les réseaux sociaux, outil de prédiction individuelle
Plus de 2 milliards de personnes partagent régulièrement des informations sur leur vie quotidienne via les réseaux sociaux, révélant souvent qui elles sont, y compris leurs sentiments, leur personnalité et leurs comportements. Il a déjà été démontré que cette masse d’informations issue des réseaux sociaux contenait des signaux de santé précieux mais principalement au niveau global de la population. Par exemple, Twitter a été utilisé pour surveiller les épidémies et prédire les taux de mortalité par maladie cardiaque. En revanche, les études associant réseaux sociaux et diagnostics médicaux au niveau individuel sont nettement plus rares.
Des chercheurs américains du Penn Medicine Center for Digital Health de l’université de Pennsylvanie ont voulu savoir si ces données partagées librement pouvaient avoir une valeur en termes de santé individuelle. Ils ont donc analysé 949 530 mises à jour de statut Facebook contenant 20 248 122 mots chez 999 participants dont les messages contenaient au moins 500 mots. Ces données s’étalaient sur 5 ans. Ils ont ensuite comparé ces informations avec celles contenues dans leurs dossiers médicaux électroniques. Par ailleurs, les chercheurs ont identifié des termes étant des marqueurs de 21 maladies.
Les résultats de cette étude ont été publiés le 17 juin 2019 dans la revue Plos One.
Résultats
- Les 21 catégories de problèmes de santé étaient prévisibles à partir des messages publiés sur Facebook ;
- 10 catégories étaient mieux prédites via Facebook que grâce aux facteurs démographiques standard (âge, sexe et race) ;
- Facebook s’est révélé particulièrement exact pour prédire le diabète, la grossesse, les problèmes de santé mentale, les psychoses et la dépression ;
- les termes reflétant l’hostilité étaient le marqueur prédominant de la toxicomanie et des psychoses ;
- le langage religieux (par exemple dieu, famille, prière) permettait de prédire le diabète. Par exemple, les 25 % de patients ayant mentionné le sujet (dieu, famille, prier) étaient 15 fois plus susceptibles d’avoir eu un diagnostic de diabète.
Aider les cliniciens à trier la masse de données
Ces travaux sont précoces mais les chercheurs à leur origine espèrent que « les informations recueillies dans ces publications pourront être utilisées pour mieux informer les patients et leurs fournisseurs de soins de santé », a déclaré Raina Merchant, auteur principal et directeur du Center for Digital Health de Penn Medicine. « Étant donné que les publications sur les réseaux sociaux traitent souvent des choix de mode de vie et des expériences de quelqu’un, ou de la façon dont elle se sent, ces informations pourraient fournir des informations supplémentaires sur la gestion de la maladie et l’exacerbation. » Les chercheurs pensent que les cliniciens pourraient analyser les données des patients sur les médias sociaux via un « système opt-in » afin de déterminer le risque de maladie et de mener des interventions en matière de santé. Cependant, la masse de données pose problème. Les cliniciens ne sont pas en capacité « de les interpréter eux-mêmes ». « Pour résoudre ce problème, nous allons explorer comment condenser et résumer les données des réseaux sociaux, » ont indiqué les auteurs de l’étude.
Gérer les données Facebook comme des données génétiques
Par ailleurs, des problèmes éthiques se posent, concernant le respect de la vie privée, le consentement éclairé et la propriété des données. « Analogues au génome, les données des réseaux sociaux liées aux diagnostics médicaux peuvent être stockées avec le consentement du patient, et un codage du langage des réseaux sociaux peut être utilisé comme marqueur du risque de maladie, servir d’outil de dépistage et d’élucider l’épidémiologie de la maladie, » suggèrent les chercheurs américains.
Un grand essai est en préparation, dans lequel il sera demandé aux patients de partager des publications sur les réseaux sociaux avec leur fournisseur de soins afin de déterminer si la gestion et l’utilisation des données sont réalisables, ainsi que le nombre de patients qui y consentiraient réellement.
Rédigé par Health & Tech Intelligence – Care Insight